PUBLIÉ 6 DECEMBRE 2016
Il y a plus de deux ans je donnais une formation d’Analyse Transactionnelle (AT) à l’étranger.
J’avais demandé à titre d’exercice que les participants se mettent par deux et expriment uniquement par les yeux de la haine sans se parler. En deuxième partie, je leur demandais d’exprimer de l’amour.
J’avais moi-même fait cet exercice dans le cadre d’une formation en voicedialogue/dialogue interne.
Lorsque nous l’avions fait sur la demande du formateur, aucun des participants n’a eu de réaction particulière.
Surprise par les rires gênés que j’entendais, j’ai arrêté l’exercice et demandé ce qui se passait.
Un participant est intervenu pour dire que c’était difficile d’exprimer de la haine parce que ce n’était pas bien. La plupart semblait d’accord avec cette idée : ce n’était pas bien et donc difficile à exprimer. Ce groupe était composé majoritairement de thérapeutes et d’enseignants en psychologie.
Je les ai alors questionnés sur ce qu’ils faisaient avec la haine que pouvaient exprimer leurs clients. Comment l’entendaient-ils, s’ils avaient un tel jugement?
Il s’en est suivi un moment d’échange d’idées où nous avons pu faire la distinction entre le ressenti de haine dont nous ne sommes pas responsables et les passages à l’acte que ce soit de la violence verbale ou physique dont nous sommes responsables.
Une fois établies ces différences, nous avons pu passer au même exercice sur l’expression de l’amour.
Quand j’ai raconté à un collègue cet exercice et la réaction des apprenants, la riposte m’a surprise : Pourquoi avais-je demandé ce type d’exercice avec ce type d’émotion ?
Un tel exercice est-il problématique ? Ne sommes-nous pas censés ressentir un tel sentiment et si nous le ressentons, sommes-nous monstrueux? vL’acteur, le comédien qui joue le rôle d’un personnage haineux est-il ou se transforme-t-il en Mister Hide ensuite?
Il m’est arrivé, heureusement rarement, de sentir de la haine. Avec le recul, je peux dire que ce ressenti douloureux a été pour moi un rempart contre l’effondrement, une digue pour m’empêcher de me sentir anéantie.
Que ce sentiment aurait pu me faire basculer dans des comportements violents et inacceptables vis-à-vis des autres ou de moi-même est certes possible et à prendre en considération. Est- ce le secours d’un long travail sur moi, d’une intégration de règles de vie qui m’ont permis de ne pas basculer dans la violence?
Une seule certitude m’habite, sans l’accueil de ces sentiments de haine et de colère qui m’agitaient, je ne pense pas que j’aurais pu me remettre sur pied avec la même facilité. Accueillir ces sentiments c’est déjà donner un encadrement, un contenant.
En AT, on nous enseigne que nous ne sommes pas responsables de ce que l’on ressent mais bien de nos comportements. En voicedialogue, on ajoute que toute partie de nous, fussent les plus sombres, ont leurs raisons d’être dans un but inconscient positif à notre égard.
Serait-il possible qu’un regard accueillant et non culpabilisant sur ce que nous ressentons, soutienne un non passage à l’acte ?
Béatrice GODLEWICZ